Hétérotrophie par Coral Biome

Posté le 12 juin 2013 par

Effet du nourrissage sur le taux de croissance journalier de Pocillopora spp.

Introduction

Les récifs coralliens sont considérés comme un oasis au milieu du désert en raison de leur extrême biodiversité émergeant d’un environnement aquatique très pauvre en nutriments, dit « oligotrophe ». Ceci a poussé de nombreux coraux à trouver un partenaire symbiotique, les dinoflagellés du genre Symbiodinium spp capables de réaliser la photosynthèse. Il en résulte un transfert élevé du carbone organique des dinoflagellés au corail. Sous un éclairage puissant, les dinoflagellés utilisent 10% du carbone fixé par leur photosynthèse pour leur respiration et leur croissance. Ils transfèrent les 90% restant vers l’hôte. Ce transfert est favorisé par les enzymes digestives sécrétées par le corail, qui rendent les parois cellulaires des dinoflagellés perméables aux produits élaborés, dont des acides aminés, des lipides et des glucides. En retour, le corail fournit aux dinoflagellés des composés azotés, des phosphates et du CO2 métabolique. Ces composés sont apportés, notamment, grâce à la prédation. En effet, l’apport de la photosynthèse ne doit pas nous faire oublier que les coraux sont avant tout des prédateurs composés d’une colonie de polypes munis d’une bouche entourée de tentacules. Ceux-ci contiennent des cellules urticantes, les cnidocytes, comprenant un filament enroulé en spirale qu’ils expulsent afin de harponner leurs proies. Alors que l’appétence des proies vivantes soit un facteur connu pour stimuler la prédation et donc la croissance des coraux, il n’existe à ce jour que très peu de travaux relatant l’efficacité de la nourriture inerte. A l’heure où l’offre de solutions de nourriture pour coraux se multiplie, il est important de commencer à se poser les vrais questions afin de distinguer le produit efficace du « pur jus marketing ».

Matériels et méthode

Cette étude a pour seule ambition de quantifier le taux de croissance journalier de coraux nourris à l’aide d’une solution inerte commerciale largement répandue. Pour cela, les coraux ont été nourris une fois par semaine à l’aide d’une ampoule de 5 ml de nourriture pour invertébrés marins (PRODIBIO Reef Booster ®). Dès l’ajout de nourriture, la filtration a été coupée pendant une heure afin d’opti miser la capture du plancton par les polypes coralliens. Durant un mois à compter du premier jour de nourrissage, les coraux ont été pesés selon la méthode de prise de masse immergée. Avant de commencer les pesées, un temps d’acclimatation d’un mois a été respecté pour chaque bouture. La prise de masse des coraux obtenue chaque semaine a été exprimée en taux de croissance journalier (%.j-1). La masse immergée se définit comme la résultante de deux forces opposées, la masse et la poussée d’Archimède. Ces deux forces se compensent pour les organes ayant la même densité que l’eau de mer. C’est le cas pour les tissus et différents organes des coraux. Leur masse immergée dans l’eau de mer est donc proche de zéro. Inversement, le squelette calcaire possède une masse apparente positive. Ainsi, la mesure de la masse immergée est avant tout une mesure de la masse du squelette dans l’eau salée.

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Photo du système de pesée immergée composée d’une balance analytique équipée d’une crochet placé sous celle-ci (A) et d’un bain thermostaté (
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Résultats et discussion

Pour représenter nos résultats, nous considérons le taux de croissance journalier de Pocillopra spp non nourris (mesuré dans notre étude précédente de la croissance sous HQI et sous LED) comme étant notre référence et lui attribuons arbitrairement la valeur 100%. Les résultats sont exprimés en % de ce taux moyen +/- l’écart-type (n=6 ; ANOVA, * p<0,05).

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Un effet significatif du nourrissage est observable dès deux semaines de nourrissage. Après 3 semaines, une augmentation de 38 +/- 0,11 % est observable par rapport au taux de référence sans nourrissage obtenu le 14 mars (n=6 ; ANOVA, * p < 0,05).

Il est clair que l’hétérotrophie constitue une source importante d’énergie pour les coraux et a un effet important sur leur croissance. Des études précédentes ont abouti à la même conclusion, avec un taux de calcification plus élevé chez les coraux nourris. Ceci tient au fait que la capture de plancton est une source importante d’acides aminés essentiels, non synthétisés par les coraux non nourris. Par ailleurs, la principale source de carbone inorganique dissous pour la calcification est le CO2 métabolique, alors que seulement 30% provient du carbone inorganique de l’eau de mer. L’hétérotrophie peut aussi fournir du dioxyde de carbone supplémentaire à travers le taux métabolique accru du tissu corallien, améliorant la calcification. L’azote complémentaire obtenu par les proies peut également être utilisé pour produire des protéines de la matrice du squelette plus rapidement. Il est ainsi prouvé que la calcification va être améliorée par l’alimentation, ceci sous une variété de conditions.

L’étude de l’effet nourrissage a montré que l’hétérotrophie permet une augmentation du taux de croissance journalier des coraux jusqu’à environ 38%. Ainsi, un suivi hebdomadaire de la calcification peut fournir un indicateur sensible de l’état physiologique des organismes et un diagnostic précoce de l’état du système.

Références

Allemand D., Ferrier-Pagès C., Furla P., Houlbrèque F., Puverel S., Reynaud S., Tambutté E., Tambutté S., Zoccola D., 2004. Biomineralisation in reef-building corals: from molecular mechanisms to environmental control, Palevol, 3:453–467.

Baker A. C., Rowan R., 1997. Diversity of symbiotic dinoflagellates (zooxanthellae) in scleractinian corals of the Caribbean and Eastern Pacific. Proceedings of the 8th International Coral Reef Symposium (eds Lessios, H.A. & Macintyre, I.G), 2:1301-1306.

Davies P. S., 1984. The role of zooxanthellae in the nutritional energy requirements of Pocillopora eydouxi. Coral reefs, 2:181-186.

Ferrier-Pagès C., Witting J., Tambutté E., Sebens K.P., 2003, Effect of natural zooplankton feeding on the tissue and skeletal growth of the scleractinian coral Stylophora pistillata. Coral Reefs, 22:229–240.

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Source : Blog Coral Biome

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