Pathogènes opportunistes
“Les maladies et syndromes du corail surviennent généralement en réponse aux stress biotiques tels que les bactéries, les champignons et les virus, et / ou aux stress abiotiques tels que l’augmentation des températures, le rayonnement ultraviolet, la sédimentation et les polluants. Un type de stress peut aggraver l’autre” (Santavy et Peters, 1997).
Contexte
Le titre ne vous laisse sans doute pas indifférent. Pour en avoir trop souvent fait les frais, vous vous êtes rendu compte que les pensionnaires de nos aquariums ne vivaient pas dans un « cocon » rempli d’organismes tous copain-copain ! En fait les organismes que nous chérissons tels que coraux, éponges, poissons, etc, sont en proie à une multitude de pathogènes soit obligatoires, facultatifs ou opportunistes. Aussi, il nous a semblé qu’au travers différents messages que nous avons reçus ou lus sur des forums, ces différentes notions n’étaient pas très claires dans l’esprit de certains, notamment celle des pathogènes opportunistes, bien souvent responsables de l’affaiblissement des organismes lors de changements des conditions environnementales. C’est pourquoi, nous avons voulu partager avec vous les dernières connaissances en ce qui concerne ces pathogènes et plus particulièrement ceux appartenant à la catégorie des opportunistes, fortement représentés dans le monde marin, et à fortiori dans nos aquariums !!
Les principales maladies affectant les coraux dans le monde entier. A. Peste Blanche, B. Syndrome du Blanchiment, C. Maladie des bandes jaunes, D. Nécrose tissulaire rapide, E. Maladie de la bande blanche, F. Vérole blanche, G. Infection de ciliées, H. Syndrome des taches sombres, I. Anomalie de croissance, J. Maladie des bandes noires, K. Syndrome de la gelée brune, L. Maladie des bandes marrons. D’après Sheridan et al. 2013.
Principes
Tandis que les pathogènes obligatoires (tels que les virus) ne peuvent se répliquer qu’à l’intérieur de leur hôte, les pathogènes facultatifs sont capables de vivre et se reproduire en dehors de celui-ci en le rendant malade à des degrés divers selon les conditions rencontrées. Il en est de même pour les pathogènes opportunistes souvent ubiquitaires de l’environnement et qui peuvent parfaitement vivre en dehors ou à l’intérieur d’un hôte sain. Ils ne conduiront à la maladie que dans des conditions particulières telle qu’une baisse des défenses immunitaires de l’hôte. L’étude de ces conditions est essentielle pour que les scientifiques comprennent les raisons pour lesquelles un microbe bénéfique (ou neutre) pour son hôte se transforme soudainement en véritable ennemi. Chez l’homme, la tuberculose peut être considérée comme une maladie opportuniste touchant les personnes immunodéprimées ayant contractées le SIDA. En écologie, ce domaine est également d’un intérêt capital à la lumière des changements climatiques occasionnant un stress à la faune récifale et l’émergence de pathogènes opportunistes conduisant à la mort corallienne. Certaines infections mycosiques à Aspergillus et Labyrinthulomycetes sont particulièrement redoutables pour les coraux et les gorgones soumis à des environnements perturbés par l’élévation de température.
Les bivalves sont particulièrement sensibles aux pathogènes opportunistes tels que les parasites thraustochytrides infectant Mercenaria mercenaria, un proche cousin de nos bénitiers. Les bivalves semblent particulièrement vulnérables aux changements brutaux de températures, densité de l’eau, et de manière plus générale de qualité d’eau, les rendant sensibles aux pathogènes opportunistes. Pour des raisons encore inconnues, il semble que les bivalves élevés en captivité soient plus sensibles que ceux vivant en milieu naturel.
Dans le même ordre d’idées, les zooxanthelles, connues pour être des organismes symbiotiques des coraux et bénitiers, peuvent, selon les conditions environnementales (ex. augmentation de la température) être perçues par l’hôte comme agresseur potentiel, avec comme conséquence, leur rejet ou digestion. Ce qui se traduit par le blanchiment.
Au travers de ces quelques exemples, on s’aperçoit que les relations hôtes/microbes sont loin d’être figées et dépendent en grande partie de l’environnement dans lequel ils se trouvent. Ceci est un des grands principes d’écologie qui a dynamisé l’évolution. Ce qu’il faut retenir est que ces notions de « pathogène », « commensal », « symbiose » ne sont pas aussi simple qu’on ne le pensait. Celles-ci sont le plus souvent inhérentes, non pas uniquement aux propriétés intrinsèques du microbe en question, mais à un ensemble de facteurs beaucoup plus larges dont les patrimoines génétiques hôte/microbe et les conditions environnementales.
Dans nos aquariums
Un changement brutal des conditions de culture ou tout simplement un appauvrissement de la qualité de l’eau conduisent dans bien des cas à l’affaiblissement du système immunitaire de nos pensionnaires tels que coraux, poissons et bénitiers. Dès lors, les microbes opportunistes qu’ils hébergeaient sans causer le moindre dommage, ne rencontreront plus la barrière immunitaire qui permettait de les contrôler. Ceux-ci vont alors proliférer jusqu’à causer un affaiblissement de l’hôte pouvant aboutir à la mort de l’animal si les conditions de culture ne sont pas rétablies. Une démarche rationnelle consisterait donc à rechercher la cause du problème infectieux plutôt que de se limiter à supprimer des symptômes à grand renfort de solutions commerciales qui ont fait la fortune de certains.
Références
Burge CA, CJS Kim, JM Lyles, CD Harvell. 2013. Special issue Oceans and Humans Health : the ecology of Marine Opportunists. Microbial Ecology 65:869-879
Sheridan C, E Kramarsky-Winter, M Sweet, A Kushmaro, M Costa Leal. 2013. Diseases in coral aquaculture: causes, implications and preventions. Aquaculture 396-399, 124–135.
Santavy DL & EC Peters. 1997. Microbial pests: Coral disease research in the western Atlantic. Proc. 8th Int. Coral Reef Symp. 1:607-612.
Guide des maladies coralliennes de l’Atlantique Ouest et autre cause de mortalité : http://www.masna.org/portals/0/noaacoraldisease/index.htm
Principales maladies des coraux constructeurs : http://www.coris.noaa.gov/about/diseases/#black band