Les éponges de culture par CoralBiome

Posté le 12 février 2015 par

Oscarella lobularis: un nouveau modèle pour promouvoir les études interdisciplinaires en évolution, développement et écologie.

Nous sommes fiers d’annoncer la participation de Coral Biome à un projet très ambitieux et novateur avec l’Université d’Aix-Marseille qui implique quatre laboratoires de rang international:

  • L’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE)
  • L’Institut de Biologie du Développement de Marseille Luminy (IBDML)
  • Le laboratoire Information Génomique et Structurale (IGS)
  • Le Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM).

Ces laboratoires ont choisi Coral Biome pour mettre en place un système d’élevage pour une éponge homoscléromorphe endémique de Méditerranée, Oscarella lobularis, considérée comme un nouveau modèle en Biologie cellulaire, embryogenèse et écologie. La Biologie et le cycle de vie de cette espèce sont maintenant bien décrits et constituent les connaissances de base pour établir un élevage en conditions contrôlées.

Les éponges sont de véritables usines chimiques dans l’environnement marin en raison de leur production importante de molécules. Plus qu’une bibliothèque chimique, ces composés possèdent des activités biologiques remarquables et ont suscité des applications thérapeutiques en phases cliniques et précliniques. Mais les éponges ne sont pas seulement des usines à molécules. En raison d’une organisation corporelle très simple, les scientifiques les considèrent comme un modèle émergent très prometteur pour décrire les mécanismes développementaux, et ce malgré une lacune majeure: l’impossibilité de contrôler la reproduction sexuée de ces animaux au laboratoire et donc de fournir régulièrement des embryons aux biologistes.

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 Gauche: actuellement, les spécimens d’Oscarella lobularis sont collectées dans un chenal situé entre les côtes rocheuses du Sud de Marseille (Baie des singes) et l’île Maïre.

 Droite: Vue aérienne de l’île Maïre montrant la localité de collecte (tête de flèche rouge). Source: Google Maps.

La transition d’un ancêtre unicellulaire vers un animal pluricellulaire complexe est l’une des plus importantes étapes évolutives dans l’histoire de la vie. En outre, la mise en place d’un épithélium qui entoure et contrôle un milieu interne est la principale caractéristique développementale distinguant un organisme multicellulaire d’une colonie de cellules. Ce deuxième événement évolutif appelé ‘genèse épithéliale’ a probablement eu lieu il y a environ 700 millions d’ années lors de la diversification des métazoaires. Il est donc primordial de choisir de nouveaux modèles animaux qui auraient divergé à la base des métazoaires afin de les comparer avec des animaux plus complexes, tels que les cnidaires et les bilatériens, apparus plus tard.

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Les relations phylogénétiques des lignées animales précoces (d’après Adams et al. PLoS One 2010; 5 (11): E15040, adapté de Philippe et al. 2009 et Borchiellini et al., 2004). La génétique suggère que les éponges (Porifera) ont divergé très tôt, avant la lignée des Eumetazoa. C’est pourquoi les éponges représentent un groupe clé pour retracer l’origine des métazoaires.

Néanmoins, une question importante demeure: comment le premier épithélium s’est il formé? Toutes les lignées d’éponges ne sont pas aussi intéressantes les unes que les autres pour étudier cette question. Les homoscléromorphes, comme Oscarella lobularis, présentent des caractéristiques typiques des Eumétazoaires contrairement aux autres lignées d’éponges. Notamment, leurs épithéliums sont soutenus par une membrane basale et sont renforcés par de véritables jonctions cellulaires tandis que les couches cellulaire des autres éponges (Demospongiae, Calcispongia et Hexactinellida) en sont dépourvues.

Une condition préalable de ce projet est donc la maitrise de la reproduction sexuée en laboratoire des homoscléromorphes comme Oscarella afin d’étudier leur genèse épithéliale au cours du développement embryonnaire. Cela implique également une alimentation adéquate pour stimuler la gamétogenèse. De nos jours, comme dans le cas des cnidaires, la reproduction en captivité de plusieurs espèces d’éponges ne repose que sur le bourgeonnement asexué. Le bourgeonnement a été rapporté chez Oscarella lobularis mais il est crucial de maitriser la reproduction sexuée afin de fournir tout au long de l’année tous les stades développementaux nécessaires aux biologistes. Pour atteindre cet objectif, l’aquaculture en circuit fermé est parfaitement adaptée pour imiter les paramètres physico-chimiques et les variations saisonnières du milieu naturel. L’aquaculture en circuit fermé est définie comme «tout système qui crée une interface contrôlée entre la culture (organisme) et l’environnement naturel». En raison de ses avantages, ainsi que des progrès dans la technologie utilisée, l’aquaculture en circuit fermé est de plus en plus appréciée par les scientifiques pour la culture d’OGM ou pour bénéficier de conditions d’élevage contrôlées.

L’équipe de Coral Biome s’est vue confier le design et le dimensionnement des systèmes de culture. Quatre unités indépendantes ont été installées à l’institut Pythéas, au sein de la station marine d’Endoume, à Marseille, une stratégie qui permettra d’augmenter facilement les volumes des installations si nécessaire. Un autre avantage consiste dans la possibilité de décaler les variations saisonnières d’une unité à l’autre afin de produire des gamètes tout au long de l’année. Chaque unité comprend un réservoir principal de 200 litres dans lequel les éponges sont placées relié à une décantation pour l’équipement technique (réacteur à bactéries, contrôleur de niveau d’eau et des sondes pour le pH, la température et le redox, climatiseur). La nourriture est principalement composée de bactéries et de micro-algues produites dans les réacteurs et fournies par une pompe péristaltique programmable dans le cas des algues. Le nourrissage à l’aide de cet ultra-plancton dans la colonne d’eau devrait fournir suffisamment de particules organiques pour subvenir aux besoins alimentaires des éponges cultivées. La décantation constitue également un refuge pour d’autres espèces bactériennes et des protozoaires ultra-planctoniques.

L’objectif principal est de mimer les cycles naturels pour optimiser la gamétogenèse. La température de l’eau est régulée pour maintenir les préférences thermiques des éponges et suivre les variations saisonnières, notamment les périodes de réchauffement propices à la reproduction d’Oscarella dans son milieu. Les éclairages sont des modules LED spécialement élaborés par Alpheus qui simulent les cycles nycthéméral et lunaire auxquels les éponges sont soumises dans leur environnement. Les deux cycles sont pilotés par ordinateur via une interface Bluetooth qui permet de programmer les coordonnées GPS des lieux de collectes des éponges. L’agitation dans les bacs de culture est assurée par des pompes de brassage à large flux laminaire (Vortech MP10) qui facilitent la prise alimentaire des suspensivores benthiques. En outre, ces pompes programmables peuvent déclencher des périodes de turbulence pour éviter la sédimentation préjudiciable à la santé des éponges. Enfin, les systèmes ont été ensemencés avec des roches vivantes prélevées sur les fonds de l’île Maïre.

À ce jour, les premiers spécimens se sont bien adaptés à la captivité et se sont multipliés par reproduction asexuée. L’expérience se poursuit et de nouveaux spécimens seront bientôt collectés et introduits dans les bacs de cultures. Cette expérience pilote est un défi auquel nous sommes très heureux de participer.

Nous espérons vous donner de bonnes nouvelles dans les prochains mois !

Source : Coral Biome

 

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