La restauration de récifs, ce n’est pas si simple !

Posté le 13 juillet 2019 par

Depuis quelques années, je vois fleurir un peu partout des projets de restaurations de récifs. Des projets entrepris par des groupes de plongeurs, par des communautés côtières et même maintenant par des aquariophiles. Personnellement, je pense qu’au point où on en est, tous les projets méritent d’être soutenus. Mais cela malheureusement ne justifie pas tout. Même si tous ces groupes ont des connaissances primordiales dans ce domaine, souvent ils oublient que la maîtrise de quelques techniques ne suffit pas à solutionner un problème complexe dans un environnement encore plus compliqué. Faire partie de la solution, ne veut pas dire être la solution.

On voudrait tous être capable de préserver ça!

Faisant partie de quelques projets en Indonésie, mais aussi en Australie au sein de groupes de personnes aux compétences multiples et avec une vingtaine d’années de culture de corail sous ma ceinture, je me permets d’éclaircir quelques points.

Le côté politique

Si les raisons même de la dégradation des récifs ne sont pas solutionnés, et bien, celle-ci a peu de chance de réussir. Que cela soit la pollution générée par une industrie, ou une agglomération, des hôtels … La surpêche d’herbivores qui permettent aux coraux d’être compétitifs face aux algues. Des centaines de touristes qui piétinent un récif toute la journée etc. Seul une solution politique permet souvent d’éliminer ou réduire l’impact négatif sur un récif. Encore récemment, de nombreux groupe se félicitent du retour des requins et de la réussite dans la restauration de la baie de Mayat en Thaïlande. En 6 mois de fermeture de la baie, toute la faune marine revient. Donc souvent sans même rien faire, il suffit juste de laisser l’océan travailler.

Il y a aussi la partie légale, qui est souvent oubliée, notamment dans les pays en voie de développement. Les coraux sont protégés en annexe 2 de la convention de Washington, la collecte, le transport … est fortement régulé. La majorité des projets sont en fait illégaux.

La partie financière

La restauration de récif est une entreprise très coûteuse. Heureusement de nombreuses personnes et groupes de personnes sont prêtent à donner pour la bonne cause. Instaurer une taxe sur les touristes, un droit d’entrée, ou demander de l’aide auprès des différents gouvernements sont des solutions possibles.

Une chose est sûre, la restauration de récif est une entreprise de longue durée. Si le financement n’est pas correctement établi, et celui-ci se tari, et bien le projet s’arrête et avec lui l’amélioration de l’écosystème marin.

La partie biologique

L’utilisation de garderies de coraux pour produire les coraux qui seront transplantés est importante.

Le récif corallien, est un écosystème bien plus complexe qu’un aquarium récifal. Si les aquariophiles ont des compétences certaines notamment dans le bouturage et la manipulation des coraux. Il leur manque la connaissance écologique et doivent s’associer avec des biologistes locaux, qui connaissent les animaux, les courants, les vagues, les saisons … de ces endroits. Les plongeurs sont encore moins bien lotis dans ce domaine. Leurs connaissances en matière de coraux et d’écosystèmes marins sont souvent très limités.

Une chose que 20 années de culture de corail m’ont appris, c’est que si un corail pousse a un endroit, il y a des raisons très précises. On ne peut pas planter n’importe quoi, n’importe où.

La partie technique

Lorsque l’on doit passer plus de 6 heures sous l’eau plusieurs jours d’affilés, lorsque l’on doit utiliser des outils sous l’eau, lorsque l’on doit déplacer des choses lourdes sous l’eau, on n’est plus dans le domaine de la plongée récréationnelle.

Même les plongeurs de loisir, s’ils ont des connaissances en techniques de plongée. Celles-ci ne sont pas suffisantes et leur approche biologique est souvent extrêmement limité. Certaines associations forment des plongeurs à la restauration de récif en une journée. Ce qui est une aberration.

Les techniques de bouturage de coraux sont bien connus des aquariophiles, mais menées a grande échelle, directement dans le milieu marin, relève d’un tout autre domaine de compétence. Il faut des marins, des plongeurs professionnels, des biologistes … et des équipements adaptés. Bref c’est un métier.

La partie surveillance

La mise en place et l’utilisation de transect le long desquels l’évolution du site est surveillée est primordiale.

C’est souvent la partie qui est oubliée. On a une responsabilité et l’on se doit de prouver que le travail effectué fonctionne. Et là encore il existe des outils scientifiques qui demandent la compréhension de techniques de plongée, d’outils technologiques et informatiques qui sont d’une importance primordiale. On se doit de surveiller et enregistrer les progrès et résultats de cette restauration. Mais malheureusement cela à un coût et comme cela intervient après le travail physique, il est souvent oublié.

La partie éducation

C’est la voie la plus accessible et la plus importante je pense. On ne protège pas ce que l’on ne connaît pas. L’éducation est donc je pense primordiale. Lorsque je visite des clubs de plongée, je suis toujours sidéré par le manque de connaissances. Et il suffit juste souvent à montrer à quoi ressemble un Drupella, qui est un mollusque qui se nourrit de coraux et est un fléau important en Indonésie pour que les guides de plongée se mettent à les ramasser et avoir un impact réel sur le récif.

La protection des écosystèmes nous concerne tous et nous pouvons tous y participer à notre échelle.  Mais si l’on décide de s’impliquer dans un projet plus concret, la chose la plus importante, c’est de s’entourer de domaines de compétences nombreux et variés, et qui sont primordiaux à la réussite de votre projet. Personne n’y arrivera seul, cela demande l’implication de nombreuses personnes.

Plus d’info : oceangardener.org

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