L’acropora tenuis ‘Armageddon’ est d’un autre monde !
Les coraux ‘greffés’, qui ont échangé des pigments entre différentes souches et colorations de la même espèce, sont un peu le Saint-Graal de l’aquariophilie récifale. De nombreux LPS comme les Scolymia ou Acanthophyllia arborent des colorations multiples. Mais chez les SPS, c’est beaucoup plus rare. On a eu quelques souches de Montipora foliosa, ou de Montipora digitata, mais chez les Acropora c’est encore plus rare. Des Acropora millepora ont déjà été signalés comme pouvant échanger des pigments. Mais chez des Acropora tenuis, c’est la première fois que cela est observé.
Un véritable concentré de couleurs
Les Acropora tenuis sont un peu les caméléons de l’aquariophilie récifale, et offrent déjà sur certaines souches les plus connues tout un éventail de couleurs comme pour le ‘home wrecker’ du rouge, du vert et du jaune. Quand on croise cette souche avec une autre souche, noire et jaune fluorescent, ça donne juste quelque chose de surnaturel, et c’est exactement ce qui se passe avec cette souche de tenuis ‘Armageddon’. N’importe quel passionné d’Acropora restera bouche bée devant un tel spectacle.
D’où proviennent de tels coraux ?
Avec Bali aquarium, nous somme la première compagnie en Indonésie à avoir commencé la culture de corail, il y a déjà plus de 20 ans. On a produit plusieurs millions de coraux sur nos fermes éparpillées dans tout l’archipel. Il y a presque 8 mois de cela j’ai remarqué une petite branche différente sur une colonie au sein d’une table de la même souche issue des mêmes colonies mères d’Acropora tenuis jaune fluorescent. J’ai coupé cette branche et fait 3 boutures avec. Ces petites boutures ont bien grandi, et le résultat est spectaculaire.
Une petite supposition sur le phénomène ?
Je précise que tout cela est de la pure supposition, mais c’est comme cela que j’explique le phénomène. A Bali, l’année 2018-2019 a été synonyme d’un épisode modéré de blanchiment. Les températures sont restées élevées de septembre 2019 à avril 2020. En général, on observe des blanchiments en mars, lorsque les températures élevées correspondent aux grandes marées, le phénomène est exacerbé. De plus cela correspond aussi au moment où les coraux ont résisté et épuisé toutes leurs réserves et sont au bout du rouleau. Ces marées sont donc le coup de grâce. Cette année là, l’épisode était modéré et a suivi deux épisodes importants consécutifs. Nous avons eu finalement que des blanchiments sporadiques. Cette table ainsi qu’une autre avait légèrement blanchi et les coraux étaient en train de récupérer lorsque j’ai remarqué cette branche. Une table d’Acropora tenuis ‘Home-Wrecker’ était juste à coté, à moins d’un mètre.
Lorsque les coraux sont stressés, ils essayent de trouver des solutions pour survivre et des pigments ou du matériel génétique peuvent être libérés, capturés et intégrés par différents procédés. Que cela soient des virus, des bactéries, ou des molécules, de nombreux chemins sont possibles. Les procédés qui régulent ces échanges ne sont pas compris, mais très intéressants.
Ce corail est donc un corail ‘naturel’, de l’océan, pas une souche d’aquarium. On ne sait pas trop comment cette souche va se stabiliser en aquarium. Dans un premier temps il est peu probable que ce corail atteigne l’Europe. Il sera propagé en Asie et aux USA. Et ce n’est qu’après qu’il sera partagé en Europe. Il va donc falloir être patient avant de voir l’un de ces spécimens en France.
