La mode du buzz corallien !

Posté le 31 janvier 2022 par
Des images superbes de ce récif profond situé au large de Tahiti. © Alexis Rosenfeld

Cette semaine, vous n’y avez surement pas échappé, la grosse actualité ‘corail’ est la ‘découverte’ d’un récif de Tahiti et les images du photographe Alexis Rosenfeld. Ces magnifiques images prises dans le style inimitable d’un autre photographe sous marin de renommée internationale, Laurent Ballesta, ont fait le tour du monde. Tous les médias du monde entier, du journal télévisé aux médias sociaux, les publications plus spécialisées similaires à la nôtre, avec une compétition de titres de plus en plus racoleurs. Tout le monde y est passé et y a rajouté sa touche de désinformation. On a cru bon de faire un post là-dessus un peu différent du reste des media classiques non spécialisés en coraux.

Un nouveau récif ?

Il faut rétablir la vérité, ce récif n’est pas une découverte. De nombreux pêcheurs, plongeurs… connaissaient ce récif.

Récif corallien de la presqu’île : « C’est où ? C’est là ! »

 

Un récif résistant ?

Une équipe de plongeurs utilisant des recycleurs est nécessaire à cette prise d’images. © Alexis Rosenfeld

Oui, ce récif résiste mieux que les récifs peu profonds, pour une combinaison de différentes raisons :

  • Température : Par 30 m de profondeur la température est souvent plus faible qu’à 5 m, cela réduit donc l’impact du changement climatique.
  • Luminosité : La luminosité y est également plus faible, et donc la combinaison température et luminosité plus faibles est moins stressante pour les coraux. Ce récif est présent dans des eaux claires, ce n’est donc pas très étonnant de trouver des coraux à cette profondeur. Cela n’a pas grand chose d’exceptionnel.
  • Perturbations physiques : à 30 m de profondeur les effets des tempêtes, cyclones… sont beaucoup moins ressentis, ces récifs sont protégés à ce niveau-là.May be an image of ‎nature and ‎text that says '‎ر Alexandre Fellous‎'‎‎

À plus de 30 mètres sous l’eau, la température est plus fraîche et il y a moins de lumière. Or, le blanchissement des coraux est la conséquence d’une combinaison entre de fortes températures de l’eau et de fortes lumières. Donc, à partir du moment où l’on va diminuer l’intensité lumineuse, on diminue l’impact du blanchiment. » Laetitia Hédouin

Il est vrai que comme les eaux peu profondes se réchauffent plus rapidement que les eaux plus profondes, nous pourrions découvrir que ces systèmes de récifs plus profonds sont des refuges pour les coraux à l’avenir. Mais une de ses faiblesses, est que sa diversité est très faible puisqu’une espèce principale (Porites rus) domine ce récif, alors que certains média ont annoncé le contraire. A part quelques Pachyseris speciosa et quelques Montipora spp., finalement la diversité est extrêmement faible, et du coup presque dangereuse.

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Quelques colonies de Porites rus, mélangées à de plus rares colonies de Pachyseris speciosa, par 40 m de fond.

Par contre il serait très intéressant de savoir si ce récif n’est en fait qu’une seule colonie, un seul même individu gigantesque vieux de plusieurs milliers d’années ou composé de plusieurs souches de la même espèce.

Ce récif va t-il sauver les autres récifs ?

La liste du matériel nécessaire est impressionnante. © Alexis Rosenfeld

A chaque fois que je vois une histoire sur les coraux, reprise par la majorité des médias contemporains, toutes mes alarmes et sirènes se déclenchent, et souvent pour les bonnes raisons. Même si le fait d’encore trouver un récif en bonne santé reste une très bonne nouvelle. Mais de là à affirmer que ces récifs profonds vont sauver les récifs peu profonds, cela reste encore à prouver. Sachant que leur biologie, en commençant par les espèces de zooxanthelles qu’ils utilisent sont différentes de celles des récifs peu profonds. De nombreuses études scientifiques vont donc être nécessaires pour étudier en profondeur ces récifs. Il faut espérer que la folie médiatique ne sera pas vaine et entraîne un déblocage de fonds notamment pour le CRIOBE, au lieu des millions dépensés pour des pirouettes médiatiques et des expéditions photographiques.

On peut comprendre que le coût de la mise en place d’expéditions de cette ampleur avec l’équipement nécessaire, est énorme, et qu’il faut satisfaire les sponsors et gentils donateurs. Mais de là à étirer la vérité pour faire les gros titres, la limite entre la vérité et la désinformation est mince.

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