Des kraken en aquarium récifal – Sepia bandensis
On préparait le Blue Marine Reef 120 dans le but de maintenir cette bête passionnante qu’est la seiche. Ici, une espèce adaptée aux aquariums de taille moyenne : Sepia bandensis.
Sepia bandensis
Cette espèce de seiche est originaire des eaux tropicales d’Indo-Pacifique. Elle y occupe des crevasses dans les eaux peu profondes. Appelée « seiche naine », elle ne mesure que de 7,5 à 10 cm environ. Son corps est digne d’un monstre des mers : un corps appelé manteau qui contient le fameux « os de seiche » et entouré d’une nageoire en forme de voile qui ondule de manière psychédélique, de gros yeux complexes qui lui confère une vue perçante, 8 bras qui entourent la bouche et qui permettent de se déplacer et toucher son environnement, 2 tentacules qui servent de harpon pour attraper les proies. Un siphon sur la face ventrale leur permet d’expulser de l’eau pour se projeter rapidement en arrière.
Les seiches sont des chasseurs hors-pair, qui se nourrissent de crustacés, mollusques et poissons, avec un appétit assez dingue.
C’est donc pour cela qu’il faudra leur allouer un aquarium spécifique, avec de nombreuses cachettes, un courant modéré. Comme Sepia bandensis est originaire des eaux indonésiennes, il est possible de les maintenir dans une eau entre 23 et 25°C, ce qui rend la maintenance de coraux et assimilés possible. Cependant, il faut se limiter à des espèces non/peu urticantes, car les seiches arpentent le décor, et peuvent se propulser à vitesse grand V vers l’arrière en cas de stress, et donc se blesser sur un corail dur par exemple, ou se brûler à une anémone. Coraux cuirs, anémones-disques, Xenia, Briareum, Pachyclavularia et assimilés, gorgones et macro-algues sont compatibles, de quoi faire un aquarium coloré et atypique.
Autres caractéristiques :
- sa capacité à cracher un nuage d’encre pour fuir un prédateur, et ce, dès la naissance !
- son camouflage : grâce à des cellules chromatiques qu’elle concentre ou dilue dans ses tissus, la seiche acomode sa couleur à son environnement, ainsi que la texture de son corps, pouvant être tout lisse comme « granuleux », en une fraction de seconde, également dès la naissance.
On tente l’expérience
Ca faisait des mois voire années que j’étais tombé sur des expériences de maintenance aux Etats-Unis, mais c’était un rêve qui restait éloigné jusqu’à ce que quelques individus apparaissent sur les sites néerlandais, puis allemands… Puis s’est présentée l’opportunité de lancer un aquarium pour ce projet de dingue, en avoir chez moi ! Le but est de maintenir cette espèce et de la reproduire. Comme il n’y a pas de différence visible entre mâle et femelle, nous optons pour une grappe d’oeufs. A noter également la courte espérance de vie de Sepia bandensis (entre 15 et 24 mois selon les sources). Se procurer des oeufs permet alors de les observer sur leur cycle de vie complet et de « boucler la boucle » en cas de réussite de reproduction par la suite.
C’est donc une grappe de 13 oeufs qui arrive. Ils sont noirs (la mère injecte de l’encre dans les oeufs pour les dissimuler dans une cavité du récif), opaques, formés d’une membrane qui paraît fine et mesurent entre 1 et 1,5 cm de diamètre. Je les place dans un pondoir aquariophile habituel, devant le rejet de la pompe de circulation de l’aquarium pour assurer un léger courant d’eau sans les remuer pour autant. Et là : patience, doute, que faire ? Ont-ils survécu au voyage ? A part regarder tous les jours et prendre son mal en patience, je trépigne.
Après 3 semaines, je vois que certains oeufs s’éclaircissent, je les observe en plaçant une lampe de poche par-dessus, et je vois une masse blanche, pour l’instant sans signe particulier. Puis, petit à petit, les masses changent de forme, puis bougent, puis des yeux sont visibles, puis des mouvements ! Ouf ! On voit alors clairement la formation d’une seiche version miniature.
Environ 4-5 semaines après la réception des oeufs, au petit matin, ça y est : première éclosion ! Une mini seiche de quelques millimètre se balade au fond du pondoir, semblant « perdue ». Ses yeux paraissent à peine formés, avec une allure d’étoiles. Les jours qui suivent, tout le monde naît : 8 au total. Sur les 5 oeufs restants, 1 contenait une seiche dont le développement n’est pas arrivé à terme, et 4 oeufs étaient remplis d’une matière blanche, dense, qui, je pense, servaient à stabiliser la grappe dans le mouvement d’eau.
Les premiers jours, les bébés seiches ne mangent rien. Puis, l’instinct apparaît et est totalement délirant ! Au moindre mouvement de mysis ou gammare, la chasse est ouverte. Deux techniques se distinguent : à l’opportunisme si la proie passe à longueur de tentacule, ou en véritable « chasse », où la seiche bloque sur une cible (même si d’autres passent à côté), et la poursuit jusqu’à la harponner. Le défi est alors de se procurer suffisamment de proies vivantes pour les faire grandir, car elles ne s’intéressent au début qu’à la nourriture vivante.
Côté entretien, je me limite à nettoyer essentiellement la face avant du pondoir (pour limiter le stress) et les ouvertures latérales pour garantir le passage d’eau.
Voilà pour les premières observations sur la naissance et les premiers jours de Sepia bandensis. La suite bientôt !