Reefers : une ONG engagée dans la restauration des récifs.

Posté le 11 juin 2024 par

Nous avons interviewé Pablo Gongora, engagé avec ferveur dans la protection des récifs à travers l’association Reefers.

  « Vous ne pouvez pas aimer ce que vous ne connaissez pas, ni défendre ce que vous n’aimez pas. »

Nous ne pouvons pas nous passionner pour l’aquariophilie récifale et rester insensibles face aux menaces qu’encourent les milieux naturels. C’est pourquoi l’engagement du plus grand nombre est important pour protéger au maximum et réduire les dégâts.

L’association Reefers, basée entre l’Espagne et Mentawaï, est sensible à la dégradation des récifs et mangroves, et veut sensibiliser un maximum de monde pour préserver ces joyaux naturels dont dépendent les populations locales.

Pablo entouré d’employés et membres de l’association
Un jardin corallien créée par Reefers

Qu’est-ce que l’entité Reefers ? Quand et pourquoi a-t-elle été créée ?

Reefers est une ONG à but non lucratif dédiée à la conservation marine. L’idée de Reefers est née en 2016, face aux problèmes de dégradation des récifs coralliens, causée par divers facteurs tels que les vagues de chaleur et le blanchissement des coraux.

Les épisodes de blanchissement de 2015-16 et 2019-20, ainsi que les explosions démographiques de l’étoile à couronne d’épines Acanthaster planci, prédatrice de coraux, ont provoqué un déclin critique de la couverture corallienne dans cette zone de l’archipel des Mentawaï. Selon nos estimations, il reste à peine 10 % de la couverture corallienne qui était présente au début de cette décennie. De plus, les mangroves côtières ont également subi un sérieux déclin, probablement lié à l’état du récif adjacent. La conjonction de ces deux événements a eu des conséquences directes sur les populations et les entreprises locales : du déclin des ressources halieutiques, principale source de nourriture dans cette zone, à une dégradation continue des plages qui sont d’une importance primordiale pour le tourisme, principale source de revenu.

Le même en 2016
Récif de Mentawai en 2014

 

Quel est ton rôle au sein de l’association ?

Je suis aquariophile depuis plus d’une décennie et ma passion pour les coraux est ce qui m’a motivé à travailler avec eux. Je suis chef de projet, et co-fondateur de l’ONG. Cela signifie concevoir et superviser les différents projets, donc chaque année je passe plusieurs mois sur la barrière de corail à travailler, explorer de nouveaux récifs et créer de nouvelles parcelles de plongée, créer des nurseries et des récifs artificiels, suivi de l’état des récifs… et d’autre activités in situ. Je propose également une formation dans les instituts d’aquaculture, des cours à l’Océanographique de Valence ainsi que des conférences informatives partout où ils veulent nous écouter.

Pablo bouture une colonie mère pour une réimplantation sur un récif.

Penses-tu que la pratique de l’aquariophilie est compatible avec la protection des récifs ?

La perception habituelle qu’ont les personnes extérieures au hobby est que l’aquariophilie récifale est une activité intrusive et de pillage du milieu marin, dans laquelle les amateurs, sans aucun scrupule, n’hésitent pas à prélever directement de la mer tout ce qu’ils veulent avec une envie purement de collection et sauvage. La réalité est loin de cette image « prédatrice ».

Toute action de conservation part de deux points essentiels : la connaissance et la sensibilité. Alors que la sensibilité est le moteur qui nous pousse à vouloir garder quelque chose, savoir ce que nous voulons sauver est la graine qui éveille cette sensibilité. Et vous ne pouvez pas conserver et protéger ce qui n’est pas connu.

Contrairement à un documentaire télévisé, le passe-temps aquariophile met des personnes qui, dans la plupart des cas, ne se rendront jamais sur un récif corallien et ne mettront jamais lƒa tête dans l’eau, en contact direct et intime avec le milieu aquatique marin. Lors de la création et de l’entretien d’un aquarium, les aquariophiles sont obligés de comprendre le fonctionnement du milieu aquatique et les exigences des espèces qu’ils veulent garder. Ces expériences et connaissances conduisent inévitablement au développement d’une forte sensibilité envers les récifs coralliens et le milieu marin. Ainsi, on constate une augmentation constante des initiatives de conservation provenant du secteur de l’aquariophilie, ainsi qu’une demande croissante de spécimens d’élevage nés en captivité et d’informations à leur sujet pour leur prodiguer de meilleurs soins. Grâce à cela, les programmes d’élevage en captivité de poissons et d’invertébrés se sont considérablement multipliés ces dernières années, entraînant la création d’innombrables installations dédiées, telles que les fermes de coraux. Il est vrai que cette reproduction de corail est réalisée pour la vente ultérieure, cependant un pourcentage de sa production est destiné à la restauration des récifs adjacents et la présence de ces installations, généralement situées dans des zones « hors océans », remplissent la fonction de récif artificiel pour les espèces de poissons et d’invertébrés locaux, leur fournissant nourriture et abri face aux menaces du milieu d’origine. D’autre part, ces centres d’élevage ont entraîné des changements dans les villes locales exploitant leurs ressources marines, qui, voyant leurs récifs revalorisés, ont remplacé dans de nombreux cas les techniques traditionnelles de pêche très dommageables pour le récif, telles que la pêche avec du cyanure ou des explosifs, par d’autres pratiques plus respectueuses de l’environnement.

Avec tout cela, l’aquariophilie actuelle s’appuie sur des coraux de culture, dont la présence sur le marché actuel représente plus de 90%, et sur une communauté fortement sensibilisée et engagée dans la conservation du milieu naturel.

 

Devant, un Acropora d’un récif artificiel de Reefers, au fond, un récif de Pocillopora.

 

Quelles sont les principales activités de Reefers ? Quels projets sont à prévoir ?

Nous responsabilisons et formons la population et les entreprises locales, en les impliquant activement dans la restauration des récifs ou des mangroves, car elles en sont les principaux acteurs. Nous aidons également ces communautés côtières à gérer leurs ressources marines et à diversifier durablement leurs moyens de subsistance grâce au transfert de connaissances et à la formation. Nous essayons de diffuser et de transmettre ces connaissances que nous acquérons à travers des conférences et des causeries, dans le domaine de l’aquariophilie pour une meilleure compréhension et prise en charge des animaux dans la passion qui nous unit.

Nerea place une nouvelle bouture sur un jardin d’Acropora microclados

Nous collaborons également à la recherche scientifique, apportant ainsi notre grain de sable à la science.

Récemment, nous avons mis en place dans notre projet Mentawaï l’application de techniques de reproduction sexuée de SECORE International dans la restauration de récif. En 2021 une partie de l’équipe a eu l’opportunité de se rendre en République Dominicaine et de se former à ces techniques grâce à FUNDEMAR et SECORE. En plus de pouvoir développer ses propres recherches sur l’alimentation, la croissance et la survie des larves de coraux appliquées à l’élevage en captivité et à la restauration des récifs. Nous espérons pouvoir publier sur le sujet prochainement dans une revue scientifique.

Pablo et Nerea récoltent des gamètes pour la reproduction sexuée.

Outre la restauration des récifs, nous avons plusieurs projets dans le tiroir, certains sur le suivi des élasmobranches (requins et raies) dans les Mentawaï, ou le suivi des espèces envahissantes sur la côte basque française.

 

Quels changements remarques-tu entre le lancement de Reefers et aujourd’hui ?

Le projet a été lancé par 4 personnes seulement et avec des ressources limitées. Maintenant, l’équipe est composée de grands professionnels, pour n’en citer que quelques-uns, biologistes, ingénieurs, vétérinaires, aquariophiles ou surfeurs professionnels.

Doodie place une bouée pour signaliser le récif artificiel crée pas l’association.

Nous avons actuellement une base fixe à Mentawaï, où nous avons quelques membres de l’ONG qui effectuent des tâches de suivi et de maintenance, grâce au programme de formation que nous y développons. Nous avons notre propre équipement de plongée et le plus important pour nous, nous avons la confiance de la population locale, qui est si difficile à gagner.

Agus fait partie de l’association.

Reefers se partage entre l’Espagne et Mentawaï : pourquoi et comment sont réparties les tâches entre les deux localités ?

Pourquoi Mentawaï ? Nous avons des relations étroites avec ce lieu et sa situation géographique difficile nous a donné envie de relever le défi. La ville la plus proche, Padang-Sumatra, est située à plus de 150 km. Cette localité n’est pas impactée comme pourrait l’être une zone côtière proche de grands centres de population et offre un grand potentiel pour la mise en œuvre d’un plan de restauration efficace. C’est aussi un lieu protégé par l’UNESCO pour sa grande valeur écologique : nous parlons de récifs coralliens qui ont plus de 7000 ans et qui fournissent beaucoup de connaissances, par exemple sur les tsunamis.

Camp de base de l’association, l’île privée Pulau Buasak

Et comme une grande partie des membres sont espagnols, nous voulions transférer ce problème à notre société et à nos fans. Les océans représentent plus des trois quarts de la biosphère dans laquelle nous vivons. Son influence est donc claire et directe pour nous. Plus nous en savons sur les océans, plus nous aurons de connaissances sur notre environnement et sur la manière dont nous devons agir.

 

Nous tenons à remercier Pablo qui a répondu à nos questions, et vous invitons à découvrir davantage sur le projet Reefers sur leur site internet et leurs réseaux sociaux.

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