Démarrer mon premier bac récifal EP#03 : le cyclage d’un bac récifal à l’ammoniaque

Posté le 8 mars 2025 par

Dans l’épisode précédent, je vous évoquais les différentes manières de démarrer un aquarium récifal en 2025. Place aux détails de la réalité du terrain après la théorie précédemment évoquée.

 

Le principe du démarrage du bac récifal à l’ammoniaque (dite « méthode américaine »)

Cette méthode se base sur l’ajout d’une solution de bactéries nitrifiante ou encore dites « du cycle de l’azote« , et de les alimenter suffisamment pour qu’elles se multiplient en nombre suffisant avant d’ajouter les premiers poissons et coraux. Côté bactéries, il en existe de nombreuses marques, en bouteilles, en pots ou encore en poches réfrigérées. Côté alimentation, la base est l’azote avec soit du chlorure d’ammonium, soit du bicarbonate d’ammonium, que l’on trouve en poudre à diluer dans certaines drogueries.

J’évoquais dans la précédente 3 dosages à raison de 2 mg d’ammoniaque par litre d’eau du bac, ce qui équivaut à 6,3 mg de poudre de chlorure d’ammonium ou 5,7 mg de bicarbonate d’ammonium, conseils généralement prodigués sur les forums américains notamment.

 

Pour augmenter la surface colonisable par les bactéries, il est recommandé d’ajouter des médias de filtration biologique. Il en existe de différentes forme, taille et matière. L’essentiel est qu’ils aient une grande surface de colonisation et soient compatibles en eau de mer. Selon leur structure, ils sont dits

  • « aérobiques » : l’oxygène dissous dans l’eau les traverse. Ils permettent la dégradation de l’ammoniaque en nitrites, puis des nitrites en nitrates. Ces réactions ont en effet besoin d’oxygène.
  • « anaérobiques » : leur structure est telle que l’eau qui les traverse arrive sans oxygène en leur coeur. Ils permettent la dégradation des nitrates en azote gazeux, libéré dans l’air à la surface de l’eau. Cette réaction ne se fait qu’en absence d’oxygène, au milieu de ces médias.
Les médias aérobiques sont d’aspect plus aéré, laissant passer l’eau chargée en oxygène en leur coeur.

Si vous placez uniquement des médias aérobiques, les nitrates formés seront à exporter soit par l’écumeur, soit par des changements d’eau, ou seront consommés par les algues et coraux. Nous y reviendrons plus tard dans la gestion du bac à long terme.

Les médias anaérobiques sont plus compacts : l’oxygène de l’eau qui la traverse est consommé sur les premiers mm du matériau.

La pratique sur le Blue Marine Reef 160

Place au retour d’expériences comme je vous l’avais promis avec le protocole précis utilisé ici, les observations et les ajustements.

J’ai donc dosé au premier jour 800 mg de chlorure d’ammonium (soit 0,8g), en partant sur un volume de 130 litres d’eau réellement versés dans le bac.Quelques minutes après, j’ai ajouté les bactéries fraiches « Colombo Fresh Bacto » que l’on retrouve dans les frigos des revendeurs de la marque.

S’en est suivie une série de tests de l’ammoniaque (NH3), nitrites (NO2) et nitrates (NO3).

  • Phase 1 : le démarrage du cycle

Avec un démarrage à 2 mg/L d’ammoniaque et l’ajout des bactéries, la mécanique s’est rapidement mise en place : les ions NH3 ont été convertis en NO2, eux-mêmes convertis en NO3 dès les premières heures.

Entre 0 et 22 heures : l’ammoniaque commence à diminuer, transformé en nitrites puis nitrates

 

Pendant les 16 premières heures, on observe une diminution de la concentration en ammoniaque de 2 mg/L à une concentration comprise entre 1 et 0,5 mg/L. Cette valeur se stabilise entre la 16ème et 22ème heure : il y a un facteur limitant. Pendant ce temps, les nitrites augmentent logiquement, puis réduisent car transformés en nitrates. On observe la même situation entre les mesures à H22 et H41. Quelque chose bloque le « cycle ». Et c’est biologiquement normal : les bactéries, comme toutes autres formes de vie, sont composées d’azote (élément N), présent ici sous forme d’ammoniaque(NH3), nitrites (NO2) et nitrates (NO3), mais aussi de carbone (élément C) et de phosphore (élément P). Dans un bac démarré totalement en inerte, selon la composition du sable, des roches, de la pureté de l’eau et du sel utilisés , les bactéries trouvent de quoi se multiplier les premières heures, mais se retrouvent vite à court de carbone et phosphore pour consommer totalement l’azote présent dans l’eau.

Cela soutient mes propos de l’épisode précédent : lancer un bac avec sable et roches inertes, rajouter des bactéries et ne rien faire pendant des semaines ne permet en aucun cas de « cycler » efficacement un bac. L’ajout des poissons après plusieurs semaines d’attente peut :

  • soit mener à la catastrophe si la pollution qu’ils produisent est trop importante. Les bactéries n’ayant pas été alimentées pendant ces semaines ont pu dépérir durant cette période, et seulement une petite quantité a survécu, ne pouvant convertir suffisamment rapidement l’ammoniaque produit par les poissons.
  • soit, dans le meilleur des cas, équivaut à démarrer le bac à partir de leur ajout. La pollution produite par les poissons remplace l’ajout d’ammoniaque en début de cycle comme je le fais ici. Les bactéries survivantes après ces semaines d’attente se multiplient alors progressivement qu’à partir de là.

 

  • Phase 2 : La consommation de l’ammoniaque

Pour palier à ce manque de carbone et phosphore, il faut alors en ajouter. Il existe différentes solutions de carbone et de phosphores (souvent souvent sous forme de phosphates) sur le marché. J’ai utilisé ce que j’avais dans les placards, à savoir : Elos Pro Skimmer et Tropic Marin Phos-Start.

Le premier dosage de ces produits après le test à 41h du cyclage a été efficace : 6h après, on remarque une diminution de l’ammoniaque et une hausse des nitrites et nitrates !

 

 

Entre 41h et 69h : l’ammoniaque est totalement consommé, les nitrites et nitrates sont formés.

 

Ces ajouts ont été répétés à chaque fois que 2 tests consécutifs montraient une même valeur d’ammoniaque : ici, à H41 et H51. Je n’ai plus mesuré les nitrates une fois que la concentration mesurée dépassait le seuil de l’échelle colorimétrique du test. Les nitrates à ces concentrations étant inoffensifs pour nos bacs, l’essentiel était de s’assurer la mécanique NH3=>NO2=>NO3. On reprendra sa mesure lorsque l’on fera le suivi régulier des paramètres de base après l’ajout des poissons et coraux.

Après 69h : l’ammoniaque ajouté initialement a été totalement consommé ! C’est la première étape de ce qu’on appelle « le cycle de l’azote ». Mais on observe une stabilisation des nitrites à 1 mg/L.

 

  • Phase 3 : l’élimination des nitrites

Les bactéries les consommant sont également limitées par le manque de carbone et phosphore. Il faut donc continuer leur ajout ! Sur le même principe, j’en ai ajouté à H69 et H97. Avec succès : à H112, il n’y a plus de nitrites !

 

Entre 69 et 112h : les nitrites sont à leur tour transformés en nitrates, inoffensifs.

 

C’est donc en 112 heures que les bactéries présentes dans le bac ont réussi à consommer les 2 mg/L d’ammoniaque toxiques ajoutés en début de cyclage. Pendant cette période, vous pourrez observer que l’eau se trouble d’un voile laiteux, c’est normal, c’est ce que l’on appelle un bloom bactérien ! Ce sont les bactéries qui se multiplient et se trouvent en quantité astronomique dans l’eau. D’ailleurs, cette coloration blanchâtre de l’eau disparaît lorsque les bactéries sont en pénurie d’un des 3 éléments vitaux (N, C ou P) : leur nombre diminue pendant ces périodes de disette. Puis, avec l’ajout de l’élément manquant, le voile laiteux réapparait en quelques heures : elle se multiplient à nouveau à vitesse grand V !

L’eau blanche est signe de développement bactérien : pas de panique!

Pour vérifier le bon établissement bactérien, j’ai rajouté une seconde dose d’ammoniaque, à raison  d’1 mg/L. En 21 heures : tout a été transformé en nitrites. et en 7 heures supplémentaires, les nitrites ont été transformés en nitrates. Un dosage de carbone et phosphates a été nécessaire lors de ce cycle.

 

Enfin, une troisième dose, de 0,5 mg/L d’ammoniaque a été ajoutée, et tout a été transformé en nitrates en moins de 10 heures !

 

Graphique des tests réalisés lors des 3 phases d’ajout d’ammoniaque.

 

Autres observations

  • Comme déjà évoqué, vous pourrez observer une opacification de l’eau lors du cyclage. Les bactéries se multiplient, colonisant les médias à leur disposition mais aussi dans l’eau. Durant le cyclage du bac, ne soyez pas déstabilisés : c’est sans risque pour le bac !
  • Vous pourrez observer le début d’apparitions d’algues, surtout si vous ajoutez carbone et phosphates. Les premières seront brunes. Vous pouvez cycler le bac sans allumer l’éclairage, mais si vous le souhaitez, ne l’allumez pas plus de 4 ou 6 heures par jour.
  • L’écumeur reste éteint pendant le cyclage.
Les premières algues apparaissent pendant le cyclage.

Résumé et conclusion

Compte-tenu de la vitesse de dégradation de l’ammoniaque, j’ai préféré me limiter à 3 ajouts de 2, 1 et 0,5mg/L d’ammoniaque contrairement aux 3 dosages de 2 mg/L. En effet, le dernier ajout de 0,5 mg/L en moins de 10 heures est très parlant. En proportion, cela équivaut à la production quotidienne d’ammoniaque de 4 gros poissons type poissons-chirurgiens ou poissons-anges (totalement disproportionnés pour ce volume !!!) réduite en seulement 10h. Autrement dit, la quantité de bactéries présentes dans le bac peut largement épurer la quantité d’ammoniaque que produiront les 1 ou 2 petits poissons que j’ajouterai dans les jours à venir.

Le résumé et conseils après expérience :

  • H-2 : Une fois l’eau à bonne densité et à plus de 20°C : ajoutez les médias de filtration biologique, l’équivalent de 2mg/L d’ammoniaque
  • H0 : ajoutez les bactéries selon les recommandations de la marque.
  • Aussi souvent que possible : mesurez l’ammoniaque (NH3), les nitrites (NO2) et nitrates (NO3)
  • Dans un premier temps : lorsque vous observez que le taux d’ammoniaque ne diminue plus entre 2 tests, ajoutez carbone et phosphates
  • Lorsque le taux d’ammoniaque est à 0 : lorsque vous observez que le taux de nitrites ne diminue plus entre 2 tests, ajoutez carbone et phosphates
  • Lorsque les taux d’ammoniaque et nitrites sont à 0 : vous pouvez retestez que la flore bactérienne de votre bac est bien développée en rajoutant de nouveau de l’ammoniaque.

 

Les valeurs de nitrates n’ont à ce stade que peu d’importance, surveiller qu’il s’en produit permet juste de confirmer la transformation des nitrites en nitrates.

En dehors des ajouts des bactéries,  d’ammoniaque, carbone, phosphates, et des tests, vous n’avez rien d’autre à effectuer durant cette phase.

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Le bac après le cyclage, sans intervention de maintenance.

 

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