Démarrage et mise en place d’un aquarium récifal spécifique : partie 2
Après avoir étudié la mise en place et le coté technique pour le démarrage d’un aquarium récifal, passons à l’aménagement de l’aquarium récifal.
J’ai opté pour un décor plutôt « tombant », adapté aux dimensions de la cuve qui mesure 65 cm x 65 cm x 70 cm.
Pour cela, une commande de 55 kg de roches vivantes Premium Indonésie a été effectuée chez FabCorail en VPC. Arrivées sans encombres, ces roches sont d’une qualité exceptionnelle et ne m’ont jamais déçues, tant par leurs formes, leur porosité que leur beauté : un grand merci à Fabien, Fabcorail pour son professionnalisme.
Personnellement je suis adepte d’un léger rinçage à l’eau salée mais pas au brossage systématique, notamment sur ce type de roches de grande qualité. Avec l’expérience, le brossage me semble faire plus de « dégâts » sur la micro-faune présente que de bien ; en effet on ôte pratiquement sans discernement une très grande partie de la faune sans lui laisser de chance. Avec un simple rinçage, on enlève une grande partie d’éléments morts sans trop détruire le reste, et ces derniers serviront par ailleurs à booster le démarrage et seront en parties retirées par aspiration et par filtration au fur et a mesure des jours. Le cycle met sans doute un peu plus de temps a s’établir avec cette méthode mais la stabilité me semble plus performante.
Les roches sont ensuite disposées en vrac dans la cuve remplie d’eau salée à 37 g/l, brassée et à température depuis 3 jours. Un brassage puissant et modulé permet une pré-sédimentation. Chaque soir, durant une dizaine de jours, les sédiments sont aspirés, l’eau évacuée remplacée par de l’eau neuve ayant les mêmes caractéristiques. Durant cette période, je déplace et retourne les roches pour que toutes les surfaces soient nettoyées par cette manipulation.
Nous abordons à présent la construction du décor, moment toujours attendu mais pas toujours agréable pour certains : cette étape pouvant prendre quelques heures. En premier lieu, je les place au sol bien séparées pour visualiser correctement leurs formes.
Ici mon décor imitant un tombant démarre d’une base large pour atteindre progressivement le haut de l’aquarium en essayant qu’il soit le plus naturel possible et surtout en n’oubliant pas d’espacer suffisamment les roches entre elles pour les laisser « respirer » et que l’eau puisse passer par toutes les failles créées. On parle ainsi d’aérer le décor au maximum quand cela est possible. Ne pas oublier d’y intégrer les (ou la) pompes de brassage aux endroits bien réfléchis suivant les pompes employées. Petit rappel, le brassage doit atteindre toutes les parties des roches, avant, arrière, sommet. Il est très important d’éviter les zones mortes.
Voilà, nous y sommes, place à un peu de chimie de l’eau, très simplifiée car ce n’est pas le but de cet article, mais reste néanmoins une étape, si ce n’est l’étape la plus importante de la maturation de votre aquarium.
Je vous propose une explication simple du cycle de démarrage qui vous permettra de comprendre en quoi et pourquoi la précipitation n’est pas de mise.
Une partie des organismes de ces roches vivantes, ramassées en mer puis transportées « à sec », va mourir et se décomposer dans l’eau de l’aquarium ce qui va déclencher le processus du cycle de démarrage proprement dit. Dans un premier temps des bactéries aérobies vont proliférer et transformer l’azote organique en azote ammoniacal, c’est l’étape de l’ammonisation. Puis d’autres bactéries vont proliférer et transformer l’ammonium en nitrites, ce que l’on appelle la nitrosation. Enfin ces nitrites vont déclencher le processus d’oxydation des nitrates, la nitratation. Ces deux dernières étapes s’appellent la NITRIFICATION. Et c’est là où nos roches ont toute leur utilité, puisque c’est au cœur même de ces roches que ces nitrates vont être transformées en azote gazeux par d’autres bactéries cette fois ci anaérobies et rendre notre eau « propre » et capable d’accueillir nos futurs habitants.
Cette explication succincte et très résumée pour que vous compreniez mieux l’utilité d’effectuer les divers tests durant cette première phase afin de pouvoir commencer la seconde, le peuplement :
En effet, dés le pic de nitrites passé, l’introduction des divers détritivores est possible et indispensable pour la suite, puis lorsque les nitrates sont redescendues sous les 15 ppm environ, nous pourrons introduire nos premiers poissons puis nos tous premiers coraux (cela prends environ 2 bons mois). Ensuite il suffit de laisser le temps au temps et ne pas se précipiter pour le peuplement, les premiers SPS arriveront dans quelques mois.
Durant toute cette première phase de démarrage (un mois et demi environ), l’utilisation d’un bon charbon actif peut être un plus : Il aidera a éliminer la coloration et certaines toxicités de l’eau due à la dégradation organique quel les roches peuvent rejeter. La quantité à employer ainsi que son remplacement varie suivant la méthode d’utilisation, passive, placé dans la cuve technique ou active, via un FLF (filtre à lit fluidisé) mais varie également suivant la marque.
Concernant l’éclairage, je suis adepte d’un éclairement de 3 heures environ dès le lendemain suivant la mise des roches sur une durée de 2 semaines puis d’augmenter progressivement sur 2 mois pour arriver à un éclairement de 11h environ. Profitez de cette phase pour observer la micro-faune et la faune qui se remet de ses périples.
Je préfère également utiliser l’écumeur dès l’introduction des roches, cela me semble être préférable lors du démarrage avec des roches vivantes.
En parallèle, une phase incontournable et normale est la poussée algues, nommées colonisatrices primaires. Elles se développent comme suit, les diatomées, les cyanobactéries et les algues filamenteuses. Logiquement avec des roches vivantes dites « neuves », des algues supérieures (Caulerpes et autres) vont prendre la place des algues de démarrage, aidées par la petite armée de détritivores.
Je vous donne une idée plus détaillée sur le calendrier approximatif d’un peuplement car celui-ci dépendra des diverses opérations et tests effectués auparavant :
Compter environ 3 semaines, 1 mois, si les paramètres mesurés le permettent, pour l’introduction des premiers habitants, les détritivores qui, pour moi, seront des Cyprea annulus, Tectus, Nassarius et Oursin. Les strombus très efficaces pour l’aération du sable arriveront évidemment après la mise en place du sable.
Puis, en général, après 2 mois environ et si les paramètres de base mesurés sont corrects, on peut introduire les premiers poissons dit utiles, mangeurs d’algues et d’indésirables dont le choix est très important et leur nombre fonction du volume de l’aquarium. Ils seront herbivores dans un premier temps, ce sont les poissons chirurgien (Zebrasoma, Ctenochaetus …) qui aiderons à contenir les algues, mais une salarias est également pour moi incontournable. Pour nous aider à lutter contre d’éventuels indésirables ; un Acreichtys tomentosus (préférez la provenance de Bali, plus vert mais surtout plus efficace contre les Anemonia Majanos et Aiptasia), le Chelmon rostratus peut aussi être retenu (efficace aussi contre les Aiptasias, mais attention si toutefois vous voulez maintenir des LPS par la suite), les Halichoeres luttant eux contre les planaires (Halichoeres chrysus étant très efficace à cet effet). Cette courte liste n’étant absolument pas exhaustive, en vous renseignant auprès de votre détaillant, il pourra vous aider et vous diriger vers d’autres poissons ayant une fonction utile particulière. La population, en poissons, finale se fera d’ici quelques semaines et même mois où il sera temps de penser aux autres locataires, poissons clowns, demoiselles, Anthias etc. En effet, il est inutile de surcharger en matières organiques le bac dans cette phase de démarrage et de stabilisation.
Une à deux semaines suivant l’introduction des premiers poissons, les premiers coraux dit faciles peuvent être ajoutés, par exemple en corail dur un petit pied de Caulastrea, en corail mou un Sarcophyton, un Sinularia … Attention aux coraux colonisateurs rapides comme les Zoanthus. Pensez à bien espacer les coraux car certains coraux sont très agressifs envers les autres mais aussi afin qu’ils puissent s’épanouir sans se gêner.
Je vous parlerai de ma propre population dans l’article suivant …
Dès que la sédimentation n’est plus perceptible, il sera temps de disposer le sable dont l’épaisseur est un point désaccord entre de nombreux récifalistes. Personnellement je préfère disposer 1,5 à 2 cm d’épaisseur ; assez pour abriter bactéries et microfaune, et qui avec le choix judicieux de détritivores, ne se colmatera pas. Pour moi, une épaisseur plus importante est source de soucis à plus ou moins long terme.
Toutes ces étapes sont CRUCIALES et il faut apprendre à laisser le temps au temps même si cela est difficile. Ne pas craquer, car au début les coups de cœur sont souvent mauvais amis. La patience est la principale et obligatoire qualité pour démarrer et maintenir un aquarium récifal.
On cherche parfois le pourquoi des déboires, ratage, perte d’animaux, poissons, coraux, durant cette phase, et pourtant je pense qu’il n’y a souvent pas trop à chercher lorsque tout est correct, qualité d’eau et maintenance. Cela est simplement dû au manque de maturité et à cette longue phase de démarrage durant laquelle la stabilité du milieu n’est pas acquise et qui peut porter préjudices aux divers animaux hébergés.
Avec l’expérience, il me semble raisonnable d’affirmer qu’un aquarium récifal n’est mature, ou même ne commence sa maturité qu’après une année suivant sa mise en route.
Vous pourrez suivre l’évolution de cet aquarium dans de futurs articles.
A suivre : démarrage et mise en place d’un aquarium récifal specifique : partie 3