Les poissons anges sont les rois de l’hybridation
Notre bon ami Singapourien et travaillant pour l’université de Sydney, Tea Yi Kai, vient de publier une nouvelle étude sur les nombreuses hybridations qui ont lieu dans la famille des poissons-anges. Il démontre dans cette étude que les poissons anges sont une famille assez malléable où les hybridations sont courantes.
Ces hybridations ont notamment lieu chez les espèces parapatriques. Ces espèces sont assez proches mais occurrent dans des zones de répartitions juxtaposées et s’hybrident régulièrement dans la partie où ces espèces se superposent. Par exemple, on peut rencontrer dans le milieu naturel, aux Philippines, des hybrides de Paracentropyge venusta et P. multifasciatus dans la zone où les deux espèces sont présentes. Si un spécimen d’une espèce se retrouve isolé des autres de ses congénères, il peut se reproduire avec une espèce proche qui lui ressemble le plus.
Mais elles sont aussi possibles chez des espèces sympatriques, même si elles sont extrêmement rares. En effet, l’élevage de poissons anges, notamment par la société Bali Aquarich en Indonésie, où les géniteurs de plusieurs espèces sont gardés dans les mêmes bassins, a permis d’obtenir des hybrides très rarement rencontrés dans le milieu naturel. C’est le cas des hybrides entre Pomacanthus imperator et P. annularis. Ces deux espèces se rencontrent souvent ensemble dans le milieu naturel, mais dont les hybrides naturels sont extrêmement rares, alors qu’ils se sont facilement reproduits ensemble en captivité.
Après avoir comparé l’ADN mitochondrial de 37 hybrides avec celles de leurs parents, ils ont découvert que presque la moitié des espèces connues de poissons anges s’hybrident entre elles, pour un total de 42 espèces connues pour se mélanger avec des espèces proches. Ceci représente 48% des toutes les espèces de poissons anges. C’est plus que n’importe quel autre groupe de poissons récifaux, plus que les poissons papillons ou 1/3 des espèces produisent des hybrides. Alors que l’hybridation était jusque là considérée rare chez les poissons récifaux.
C’est là que cette étude est extraordinaire, car elle met en évidence que la majorité des hybrides de poissons anges sont le résultat d’espèces vivant sur les mêmes récifs. Au premier abord, l’évolution sympatrique, n’a aucun sens au niveau évolution et est même une menace pour la diversité des espèces. Si un poisson d’une espèce pouvait produire à plusieurs reprises une progéniture viable avec une autre espèce vivant sur le même récif, les deux espèces pourraient sur le long terme s’éroder en une seule, hybride des deux.
Une des explications possible est le fait que les poissons anges se reproduisent en harem. Alors que les poissons papillons vivent en couple solides. De plus, différentes espèces de poissons anges vivant sur le même récif se reproduisent souvent au même moment, accentuant le risque de fertilisation croisée.
Ce que cette étude met en évidence, c’est que les poissons anges peuvent s’hybrider avec des espèces possédant jusqu’à 11% de différence dans l’ADN mitochondrial. Ce qui est tout à fait remarquable car les poissons récifaux s’hybrident rarement avec des différences d’ADN mitochondrial supérieure à 6%.
Le travail de Mr Tea Yi Kai, arrive à placer l’observation aquariophile dans le domaine de la publication scientifique et illustre à nouveau remarquablement l’étroite complémentarité des deux.
Publication : https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2020.1459