Les champs d’Anacropora : réserve d’espèces et de juvéniles
Lors de l’une de mes escapades en Indonésie, j’ai eu la chance de plonger de belles baies abritées et protégées. Les plongeurs classiques se précipitent aux caps qui entourent ces baies, car en effet c’est sur ces tombants plus profonds et soumis à des courants plus importants que l’on a le plus de chance de voir de gros poissons, comme des requins, parmi les énormes bancs de fusiliers et de vivaneau. Par contre, j’ai vite arrêté de les suivre, pour me concentrer sur ces belles pentes d’Anacropora spinosa peu profondes, dans le fond de la baie. C’est là que j’ai trouvé plusieurs petites perles. Je trouve fascinant qu’une seule colonie de corail qui s’est développée jusqu’à couvrir plusieurs centaines de mètres carrés soit un réservoir aussi important d’espèces différentes de poissons à elle toute seule.
Un réseau de branches très étroit
Autour de ces colonies d’Anacropora spinosa, il y a aussi d’énormes colonies d’Acropora aculeus par exemple, mais comme les branches sont beaucoup plus espacées, elles n’offrent pas la même protection que celles d’Anacropora. Ainsi, alors que l’on pouvait croiser des subadultes de Pomacanthus navarchus dans les colonies d’Acropora, on ne trouvait plus que des individus en livrée juvénile dans les colonies d’Anacropora. L’étroitesse des enchevêtrements des branches est un abris parfait pour les poissons de moins de 2-3 cm et explique leur patron de coloration.
Les subadultes migrent vers des colonies d’Acropora
Les Pomacanthus navarchus changent de robe juvénile à un très jeune âge. Ainsi, les subadultes de 5-6 cm de long possèdent déjà une livrée adulte. C’est à ce moment là, qu’ils migrent des enchevêtrements étroits des colonies d’Anacropora vers des espaces plus larges dans les colonies d’Acropora. Les adultes préfèrent les tombants un peu plus à l’extérieur des baies où ils sont très courants et sortent facilement à découvert, protégés par leur épine operculaire.
On comprend donc que cette succession de micro-habitats est d’une importance vitale pour le développement de certaines espèces de poissons, et la perte d’une seule de ces énormes colonies de corail est suffisante pour anéantir les espèces de poissons qui utilisent ces différentes niches pour les étapes consécutives de leur cycle de vie.
Un réservoir de petite espèces cryptiques et de juvéniles
De même, on ne trouvait des Pseudocheilinops ataenia uniquement dans les colonies d’Anacropora. Ces poissons très discrets sont très difficilement observables, ils sont même presque cryptiques tant ils vivent à l’intérieur du corail et prendre une photo d’eux demande énormément de patience.
On trouvait aussi toute une population de gobies pygmés, notamment les Trimma pajama innombrables, mais à l’envers, posés sur le dessous de branches d’Anacropora.
Chaque colonie de corail devient un micro-habitat complexe que l’on pourrait passer des heures à observer sans ne jamais qu’effleurer la surface. Un aquarium ne contenant qu’une seule immense colonie d’Anacropora avec une partie de la faune cryptique serait un très bon sujet de bac éducatif. Peut être qu’un jour un aquarium public se saisira de ce magnifique sujet.