Fluconazole contre Bryopsis et Derbesia en aquarium marin, théorie et retour d’expérience

Posté le 2 août 2024 par

Les algues font partie des problèmes les plus souvent rencontrés dans nos aquariums marins. Bien que souvent, ajouter une population d’alguivores adaptée résout le problème, nous ne connaissons pas d’espèces adaptées à nos aquariums consommatrices de Derbesia et Bryopsis hormis Elysia crispata. Cette limace est toutefois petite, souvent aspirée par les pompes de brassage ou mangée par les poissons. Hors, il existe un traitement efficace. Voici les explications, et un retour d’expérience de lutte contre Derbesia puis Cyanobactérie. Merci VVStef pour ton partage !

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Pourquoi le fluconazole ?

Les débuts connus de l’utilisation du fluconazole en aquarium marins pour lutter contre certaines algues remontent à 2013, par un concours de circonstance. Dr Jose Mayo, un aquariophile Brésilien, a utilisé cet antifongique pour traiter ses poissons-clowns. Il a alors observé que les algues présentes dans son bac déclinaient, tant sur les vitres que sur les roches. Il s’est penché sur le sujet : comment un antifongique est efficace contre des algues ? La réponse se trouve au niveau structurel de la cellule de l’algue :  certaines espèces contiennent des molécules de gras, dont l’ergostérol. Or, le fluconazole bloque la synthèse d’ergostérol (ce qu’il fait chez les champignons contre lesquels il est utilisé de base). L’algue ne peut alors plus grandir, et l’incapacité à produire cette molécule essentielle à son intégrité la rend sensible face à son environnement (attaque d’alguivores, dégâts mécaniques, déséquilibres osmotiques entre l’intérieur des cellules de l’algues et l’eau environnante). C’est le cas notamment des Derbesia et Bryopsis.

Bryopsis plumosa – Crédit : www.algaebase.org
Derbesia fastigiata – Crédit : www.algaebase.org

Et pour les autres habitants du bac ?

La membrane des cellules d’animaux est contient du cholestérol, un autre lipide. Aucun animal connu ne possède l’enzyme impliquée dans la synthèse d’ergostérol. L’action du fluconazole est ciblée et touche uniquement cette enzyme, et donc la production de ce lipide. Il n’y a donc pas de toxicité directe du fluconazole sur les habitants « animaux » du bac.

Les zooxanthelles symbiotiques des coraux ne sont également pas touchées par le produit : leur lipide essentiel est le dinostérol.

Concernant les macroalgues, l’ergostérol a été identifié chez les Derbesia, Bryopsis, Caulerpes, Halimeda et Ulva lactuca.

Chez les autres, il n’est pas essentiel à leur intégrité structurelle. Certains ont observé un éventuel ralentissement de croissance. A vérifier cependant au cas par cas, selon l’espèce maintenue dans le réacteur ou refuge.

Le fluconazole agit au niveau structurel des cellules. Ici : Derbesia vaucheriiformis – Crédit : www.algaebase.org

Le ou les protocoles et considérations

Il y a quelques temps, le fluconazole ne se trouvait qu’en pharmacie et sur prescription, car celui-ci est utilisé pour son action antifongique chez l’Homme. Mais depuis la reconnaissance de son efficacité contre certains champignons touchants les poissons, et certaines algues, des marques aquariophiles en proposent.
Pour nous, il est essentiel d’opter pour celles-ci et la raison est simple. Les gélules ou comprimés formulés pour l’Homme contiennent des excipients, dont certains peuvent être toxiques pour nos aquariums.

L’utilisation du fluconazole est très simple : une dose unique de 5 mg/L est la plus souvent utilisée. Pour les plus frileux, vous pouvez distribuer la dose sur 2 ou 3 jours pour vérifier comment réagit le vivant de l’aquarium. Pour un résultat plus percutant, un dosage de 9 mg/L est également utilisé, avec les mêmes résultats.

Lors du traitement, retirer charbon actif, filtre UV, résines et le godet de l’écumeur (mais le laisser allumer pour garder les bienfaits de son oxygénation).
Les résultats sont visibles entre 7 jours (la Bryopsis notamment) et un mois (Derbesia et Cladophora – algues filamenteuses).

Derbesia tenuissima – Crédit : www.algaebase.org

Lorsque les algues ont disparu, vous pouvez alors au choix reprendre des changements d’eau pour conserver de bons taux de nutriments, placer du charbon actif, rallumer le filtre UV. Remettez également en place le godet de l’écumeur.

 

Pendant le traitement, veillez à mesurer régulièrement (idéalement tous les jours, au moins les premiers) :

  • Les nitrates et phosphates : la mort des algues entraîne une hausse des nutriments, surtout avec l’écumeur sans godet.
  • Le KH : avec la hausse des nutriments, la croissance des coraux durs peut être impactée

 

Si les NO3 et PO4 montent de trop, faites un changement d’eau partiel, en rajoutant 5 mg de fluconazole par litre d’EAU CHANGEE. Ajustez le dosage de la solution de carbonates selon l’évolution du KH.

Bryopsis hypnoides – Crédit : www.algaebase.org

Pour les aquariums avec des Acropora sensibles, un dosage divisé par deux est préférable, sur une plus longue période.

Certains ont noté la perte d’Acropora – mais pas tous dans leur bac. Le fluconazole n’est théoriquement pas, la cause directe de leur mort (il n’agit que sur la synthèse de l’ergosterol, absent chez les coraux). Les hypothèses sont : l’utilisation de cachets avec de mauvais excipients, ou la libération d’une toxine par les champignons présents dans le bac, et tués par le produit. En parallèle, de nombreux utilisateurs n’ont jamais perdu d’Acropora (c’est le cas pour nous et proches autour de nous).

 

Lors du traitement, prévoyez un volume d’eau de mer de 25% du volume de l’aquarium, à bonne température ainsi que du charbon actif. En cas de mauvaise réaction d’un corail, réalisez le changement d’eau et placez le charbon actif dans une zone de passage d’eau ou en filtre interne.

Bryopsis pennata – Crédit : www.algaebase.org

 

Voici un retour d’expérience de VVstef, un membre de la communauté Récifal News sur notre canal de discussion Discord. Merci à lui pour son partage et le suivi de son soucis d’algues.

Adieu Derbesia, Bryopsis et Cyano, si je vous revois je sais quoi faire !

Bon allez je me lance sur ce sujet tant épineux qu’est la Derbesia. Je me devais, ne serait-ce que pour remercier Axel et Seb de Récifal News et Patoche, un mec adorable qui a non seulement su être patient avec mes soucis et qui est vraiment devenu un pote, de faire ce petit article de retour sur mes péripéties avec ces algues invasives et la cyano (oui j’ai aussi eu de la cyano…). On va revenir un peu en arrière au mois de Février 2024. Après plusieurs mois, comment dire, de négligence et d’abandon de mon bac suite à de multiples soucis perso, manque d’envie et peut-être un peu d’argent. J’ai quand même eu un peu mal pour mes coraux et ma fierté d’avoir ce joli bac… moche, rempli de Derbesia et de cyano verte. Au départ j’ai cru à une oligotrophie totale puisque j’étais proche de 0 mg/L de phosphates et une concentration en No3 presque indétectable, à tel point que j’en rajoutais en solution pour tamponner ce manque vital à nos coraux.

Des algues filamenteuses en touffes… jamais bon signe, il s’agit souvent de Derbesia ou Bryopsis !

A partir de ce constat, il était temps de se retrousser les manches mais n’y connaissant pas grand choses sur ces fléaux j’ai préféré contacter Seb qui m’a mis en relation avec Axel. Après avoir fait le tour des raisons pour lesquelles le bac en est arrivé là, Axel m’a vite proposé d’utiliser du Fluconazol pour éliminer les Derbesia. Bon, ok, le mot fait peur mais après quelques recherches d’articles et de vidéos, j’ai vite trouvé que l’on parlait en bien de cet antifongique et qu’il était efficace contre ces algues mais attention, sous conditions : respecter la posologie et rester patient. Chaque invasion est unique et plus ou moins grande, je comprends vite qu’il va donc falloir pour ma part attendre au moins 15 jours pour avoir les prémices d’un résultat positif. J’ai donc commandé, reçu et utilisé du FluxRX de la marque Blue Life et pris sa version en 4g vu que mon bac fait 650L. Pour rappel ce produit est du Fluconazol prêt a l’emploi, sans excipient.

JOUR 1 / Introduction du Flux RX et préparation mentale. Pour faire simple, ce n’est pas facile pour moi d’accepter d’utiliser un produit chimique pour lutter contre un indésirable dans le bac et il va falloir être patient en plus pour voir de potentiels résultats… Allez, c’est parti, il faut le faire…

 

JOUR 15 / Ca paie :15 jours de longue attente et ça y est, je vois bien les algues blanchir par endroit et le sol a nettement été nettoyé. Seul bémol, la cyano a pris la place de cette algue mais j’en ai moins peur… Je décide de prolonger l’attente et voir.

J15 : le travail paie, mais de la Cyanobactérie en profite pour apparaître ! Normal, la place et libre et la mort des algues entraîne une légère hausse des nutriments.

 

Jour 25 : La patience paie toujours. Encore une fois cette règle d’or est valable et on peut voir que 25 jours après tout est bien plus propre, hormis cette cyanobactérie verte.

La partie haute du bac est totalement dépourvue de Derbesia, en revanche, comme l’indique la photo, la cyano a totalement recouvert le sol du bac. Je décide de laisser encore quelques jours pour tirer au maximum sur l’élimination des algues restantes et je commence à plancher sur le plan numéro 2, l’élimination de la cyano. Celle-ci est apparue je pense suite aux concentrations fluctuantes de NO3 et PO4 du bac suite à la mort de la Derbesia qui a laissé un champ nu. En parlant de vivant, je ne remettrais pas des bactéries dans le bac ? Voila une vraie question et je me retrouve à échanger avec Patoche des heures entières. Je vous assure, je fais court ici, mais j’ai des kilomètres de discussions avec lui dans mon Discord, et ce fut très important de partager avec lui ainsi qu’Axel et Seb sur la progression du traitement et l’avenir du bac. Que faire après ? J’ai décidé d’utiliser un dernier produit, le RedX de Fauna Marin. Après tout, je n’ai jamais été déçu de leurs produits, je connais presque la raison de cette cyano et je prévois de réintroduire de bonnes souches de bactéries. Tiens, en plus je vois que Fauna Marin suggère leur produit ReBIOTIC. C’est parti pour préparer la suite de l’histoire. Le plan est le suivant :

  • J’ai toujours un changement d’eau à faire suite au traitement au fluconazol
  • J’ai la cyano à traiter , je choisis le RedX
  • Je change 90L comme préconisé
  • Introduction des bactéries ReBIOTIC et on voit !

 

Pour faire simple, je ne regrette rien !

L’HEURE BILAN APRES 2 MOIS ENTRE LE FLUCONAZOL + REDX + CHANGEMENTS D’EAU :

Et voilà le résultat !

Tout n’est pas aussi simple que je l’ai écrit, il faut que je sois clair avec vous. Il faut être très mais alors très patient avec la Derbesia et sûrement toute autre invasion du genre. En plus, si comme moi vous avez de la cyano derrière, cela peut décourager une asso entière d’aquariophiles… Mais voilà, dans notre maison, nos coraux et nos poissons sont sacrés, ce bac j’y tiens car c’est un magnifique cadeau fait par un ami. Rien que pour les copains du milieu qui m’ont aidé et pour le plaisir de relever un défi de taille, il a fallu le faire et procéder ainsi. Le RedX : super produit et sans surprise il a agi en 6 jours comme écrit sur la bouteille, donc pas de promesse en l’air. Le ReBIOTIC : pourquoi pas, après tout ce sont des bactéries, on en connait pas plus la souche qu’ailleurs et pour l’instant je n’ai pas la moindre trace de cyano aux endroits les plus touchés. Il me reste quelques traces mais elle partira, j’en suis certain.

Avec du recul, voilà mes conseils : se renseigner, lire et se forger une conviction soit seul ou avec de l’aide sérieuse. Merci aux copains de m’avoir aidé, soutenu et m’avoir offert toute leur patience…Pour ma part, il y a malgré tout pas mal d’années de bac communautaire, même si je ne suis pas un grand aquariophile les diverses mésaventures du passé ont servi à relativiser. Bien qu’il ait aussi fallu accepter d’introduire non pas 1 mais 3 produits successivement dans le bac. Pour moi c’est un aveu de faiblesse et de manque de compétence. Oui des fois on peut être butté dans ses convictions et sa fierté qu’il va falloir vraiment mettre de côté au risque de tout rater. Apres tout, le problème était connu. Pour rappel il s‘agissait de négligences, mauvais entretien et pas de temps accordé au bac. Donc utiliser les produits faits pour éliminer les nuisibles, repartir avec une bonne maintenance et rajouter des bactéries pour retrouver un équilibre biologique. Aujourd’hui je pense que le bac reprend une bonne voie. La coralline reprend le dessus, la cyano ne revient pas, les coraux repoussent. A l’heure où je vous écris ces quelques lignes, je peux vous annoncer que je viens de relancer mon refuge que j’avais coupé à cause de mon oligotrophie. Donc j’ai non seulement réintroduit de la Caulerpe, mais en plus de la microfaune qui était cachée dedans, que du bon ! Finalement c’est la nature qui nous offre ses meilleurs produits, à nous d’en prendre soin.

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