Interview – Le Conseil Scientifique Marin International de Besançon par RecifAtHome
L’équipe de RecifAtHome se lient à des scientifiques de renom pour créer le Conseil Scientifique Marin International de Besançon. Nous les avons interviewés pour en connaître davantage sur ce projet : leurs motivations, leurs buts et leurs actions.
Récifal News : En février 2022, nous vous avons rendu visite pour l’inauguration de vos nouveaux locaux, avec une journée spéciale « Aquaculture dédiée à l’aquarium récifal ». À ce moment-là, vous vous concentriez sur la production de boutures de coraux nées chez vous, avec un travail de sélection et d’optimisation de croissance et de couleurs. Comment est née l’idée de vous lancer dans la reproduction de poissons ?
RecifAtHome :
L’idée est née tout naturellement. Nous étions déjà spécialisés dans la reproduction et la culture de coraux, et nous voulions aller plus loin en proposant des aquariums 100 % d’élevage — c’est-à-dire sans aucun prélèvement sauvage. La suite logique, c’était donc d’aborder la reproduction des poissons. Le premier que nous avons élevé avec succès a été le poisson-clown, une espèce emblématique qui symbolise bien notre démarche.
Derrière cette aventure, il y a évidemment une motivation écologique : limiter l’impact sur les récifs naturels. Mais il y a aussi une ambition scientifique forte : étudier les mécanismes de développement, les transformations larvaires et les signatures ADN de ces poissons pour mieux comprendre leur évolution et leur diversité.

Récifal News : Quels sont les plus gros défis dans l’élevage de poissons marins ?
RecifAtHome :
Le plus grand défi, c’est sans aucun doute la phase larvaire. La nutrition y est extrêmement complexe : tout repose sur la taille et la densité des proies vivantes, sur la régularité des apports et sur la stabilité du milieu. Nous avons dû développer nos propres protocoles d’élevage de proies vivantes, ajuster les photopériodes et calibrer les conditions lumineuses et nutritives pour chaque espèce. C’est ce travail minutieux qui a permis nos premiers succès reproductifs.

Récifal News : Vous voilà aujourd’hui à la tête d’un conseil scientifique international. Quels sont les objectifs de ce Conseil Scientifique Marin International de Besançon ?
RecifAtHome :
Le Conseil Scientifique Marin International de Besançon a trois grands objectifs :
- L’innovation scientifique, pour mieux comprendre les cycles de vie et la biologie des poissons tropicaux récifaux.
- L’aquaculture durable, en cherchant à produire des animaux de qualité sans prélèvement sauvage.
- La crédibilité institutionnelle internationale, en structurant un réseau d’experts capables d’associer la recherche fondamentale à nos pratiques d’élevage.
Ce conseil est une cellule stratégique associée à RecifAtHome, composée d’experts indépendants de renommée mondiale. Ensemble, nous relions la science à la pratique : nous élevons les espèces, documentons chaque étape de leur développement, et les chercheurs apportent l’analyse génétique, morphologique et biologique. Cela permet de décrire les phases de métamorphose, d’identifier de nouveaux caractères évolutifs, et à terme, de publier des travaux de référence dans la littérature scientifique.
Récifal News : Qui compose ce conseil ?
RecifAtHome :
Le Conseil regroupe des spécialistes reconnus internationalement dans leurs domaines :
- Vincent Laudet (OIST, Japon) – biologie marine et cycles de vie.
- Guillaume Lecointre (MNHN, Paris) – systématique et biodiversité.
- Fabrice Teletchea (Université de Lorraine) – aquaculture et domestication des poissons.
- Vincent Chalias (Ocean Gardener, Bali) – restauration corallienne.
- David Lecchini (CRIOBE, Polynésie française) – écologie et colonisation larvaire.
- Éric Parmentier (Université de Liège) – bioacoustique et comportement.
- Wei-Jen Chen (Université Nationale de Taïwan) – phylogénie et diversité génétique.
- Laurent Fourré (Musée Océanographique de Monaco) – conservation et gestion d’aquariums.
- Mickaël Béjean (Aquarium de la Citadelle de Besançon) – conservation d’espèces menacées.
- Pascal Romans – OOB, Banyuls-sur-Mer Conservateur du Biodiversarium, ambassadeur Fête de la Science 2024, animateur scientifique et chercheur en écologie marine appliquée.
Le noyau dur est constitué de Vincent Laudet, Guillaume Lecointre, Fabrice Teletchea et RecifAtHome, avec Boris Rota en représentation. Ce sont eux qui animent les travaux réguliers du conseil.

Récifalnews : Les domaines étudiés par ce conseil sont variés : Biologie marine avec les cycles de vie des espèces, la systématique, la biodiversité, l’aquaculture, la conservation, la bioacoustique et l’éthologie des poissons. Pouvez-vous décrire brièvement ces concepts ?
Chaque domaine aborde un pan essentiel de la connaissance du vivant marin.
La biologie marine et les cycles de vie permettent de comprendre comment un poisson se développe depuis l’œuf jusqu’à l’adulte, en étudiant les phases larvaires, les métamorphoses et les mécanismes d’adaptation à l’environnement.
La systématique et la biodiversité visent à classer, identifier et relier les espèces entre elles, grâce à des approches morphologiques et génétiques. C’est ce qui permet de mieux comprendre l’évolution du vivant et les liens entre les différentes familles de poissons récifaux.
L’aquaculture représente la dimension appliquée de cette recherche : c’est la maîtrise des conditions d’élevage, de nutrition et de reproduction pour assurer la pérennité des espèces, sans prélèvement sauvage.
La conservation marine cherche à protéger ces espèces et leurs habitats, notamment en développant des méthodes d’élevage et de réintroduction pour les populations menacées.
La bioacoustique, c’est l’étude du son chez les poissons. Elle nous aide à décrypter leurs modes de communication, leurs comportements sociaux et parfois même leurs mécanismes de reproduction.
Enfin, l’éthologie, c’est la science du comportement. Elle nous apprend comment les poissons interagissent entre eux et avec leur environnement, ce qui est fondamental pour leur bien-être en captivité comme pour comprendre leurs dynamiques naturelles.
Ces disciplines se complètent et dialoguent entre elles. Ensemble, elles forment une vision globale du vivant marin, que le Conseil Scientifique Marin International de Besançon cherche à rendre concret dans ses travaux.

Récifal News : Comment s’organise le travail entre les membres ?
RecifAtHome :
Nous organisons une réunion plénière annuelle avec tous les membres, mais les échanges sont bien plus fréquents en réalité. Le noyau principal se réunit régulièrement pour valider les projets, analyser les résultats et planifier les futures expérimentations.
C’est une collaboration fondée sur une confiance totale : nous leur transmettons nos données d’élevage et nos observations, et en retour, ils apportent leur expertise scientifique et accompagnent les publications. C’est un modèle de coopération vertueuse entre recherche et entreprise.

Récifal News : Quels projets concrets sont actuellement en cours ?
RecifAtHome :
Notre principal projet actuel concerne la description complète du développement larvaire de plusieurs espèces tropicales, dont Acreichthys tomentosus, Synchiropus splendidus et Pseudochromis fridmani.
Chaque individu est observé et photographié à intervalles réguliers — parfois toutes les cinq heures — afin d’étudier l’apparition des organes et de relier ces observations à des analyses ADN. Cela permettra de mieux comprendre les stades de métamorphose, et peut-être même de réviser certaines classifications taxonomiques.
Nous travaillons également en lien étroit avec l’OIST (Okinawa Institute of Science and Technology), le CNRS, le Muséum National d’Histoire Naturelle, la Banque Publique d’Investissement (BPI) et l’Agence Économique Régionale (AER) de Bourgogne-Franche-Comté, qui soutiennent activement notre démarche.


Récifal News : Qui peut rejoindre le conseil ?
RecifAtHome :
Le conseil n’est pas ouvert aux candidatures libres. Les nouveaux membres sont invités directement par cooptation, sur proposition d’un chercheur déjà impliqué. L’objectif n’est pas d’élargir pour élargir, mais de préserver un groupe restreint et cohérent, où chacun apporte une réelle expertise scientifique ou technique.
Récifal News : Ces domaines semblent éloignés des aquariophiles. Quels liens faites-vous entre ce conseil et votre activité commerciale ?
RecifAtHome :
On ne peut pas dissocier aquaculture et activité commerciale. L’un nourrit l’autre. L’aquaculture, qu’elle soit destinée à l’aquariophilie ou à l’alimentation, repose sur une maîtrise scientifique. En améliorant nos connaissances, nous améliorons aussi la qualité des espèces que nous proposons.
Notre mission est de démontrer que l’élevage peut être à la fois éthique, performant et fondé sur la science. C’est cette rigueur qui fait la différence pour nos clients, mais aussi pour les écosystèmes que nous cherchons à préserver.
Récifal News : Comment voyez-vous l’avenir de ce conseil et de RecifAtHome ?
RecifAtHome :
L’avenir, c’est l’union entre la science et la passion. Nous voulons faire de Besançon un pôle d’excellence en biotechnologie marine, où la recherche fondamentale rencontre l’aquaculture d’avenir.
Grâce à ce conseil, RecifAtHome s’inscrit dans une démarche mondiale, tout en restant fidèle à ses valeurs : innover, produire durablement et inspirer les générations futures à aimer et comprendre le monde marin autrement.
Article rédigé en publirédaction
