Nourrir ses coraux, est-ce important ?
Cela fait maintenant plus de 20 ans que je cultive des coraux en mer et en bassins. Le concept que la forme du corail soit en fonction de l’éclairage et des turbulences, du courant est plutôt assez facile à appréhender. On nous apprend depuis la nuit des temps que les coraux hermatypiques, constructeurs de récifs, qui se sont associés avec des algues pour pouvoir pousser plus vite, vivent dans un environnement pauvre et reçoivent 90 % de leurs besoins de ces algues.
Après 20 années de culture, je pense maintenant que ce concept nous a induits pas mal en erreur pendant toutes ces années. En effet, je vois dorénavant, les coraux plus comme des machines à manger, que des pauvres plantes qui poussent au soleil en attendant que de la nourriture, de l’engrais, leur tombe dessus. Même si ce raisonnement est en partie vrai, lorsque l’on essaye de comprendre pourquoi un corail vit à un endroit précis sur le récif, et que l’on essaye de le faire pousser correctement, on réalise qu’il nous induit plutôt pas mal en erreur.
Le corail pousse où il peut se nourrir
Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai commencé à chercher certains coraux, que j’ai compris, qu’ils poussent là où il y a de la nourriture disponible, et il y a des signes tels que les courants, le plancton, les rivières, le substrat … Il faut apprendre à les lire si l’on cherche à trouver certains coraux. Par exemple, j’ai mis des années avant de trouver mon premier Trachyphyllia geofroyii, et à chaque fois que j’en trouve j’essaye de comprendre pourquoi à cet endroit précis ? Et maintenant je peux les ‘sentir’ sous l’eau, et en général je me dis, je devrais en trouver ici, avant de trouver le premier. En effet, il faut par exemple qu’il y ait une rivière pas trop loin qui amène les minéraux nécessaires une partie de l’année pour créer un bloom de phytoplancton. Il faut ensuite un courant qui dépose ce Phytoplancton, et le Zooplancton qui en découle à un endroit précis. Il faut que le substrat et le relief à une certaine profondeur, correspondent à cet habitat particulier qui crée une décante de particules. C’est là, et uniquement là, sur quelques mètres carrés qu’on trouvera cette mine de LPS, qui poussent très lentement : Trachyphyllia, Catalaphyllia, Acanthophyllia …
Le corail crée des turbulences dans le flot pour attraper des particules
Ensuite si l’on regarde la forme de ce Trachyphyllia, surtout si ses tentacules sont ouverts, on remarque que ce gros polype entouré de murs hauts et épais recouverts de tentacules broussailleux est parfaitement dessiné pour perturber un courant laminaire, créer des turbulences et une dépression dans ce courant, juste au dessus de la bouche pour faire tomber des particules sur la bouche ou à minima dans les tentacules qui l’entourent.
Tous les coraux sont dessinés pour être des machines à attraper la nourriture. Ainsi un Acropora plateau est dessiné pour filtrer un courant descendant, ou un courant laminaire fort et créer les turbulences nécessaires pour que la nourriture se perde au milieu des branches dans le centre de la colonie. La filtration est passive, mais elle n’en est pas moins importante. Le courant est suffisamment important, pour amener l’énergie nécessaire à la filtration de l’eau.
J’aimerais voir l’expérience des moules, qui filtrent l’eau verte d’un aquarium, mais avec un courant laminaire et un corail au milieu.
Les polypes tournent le dos au courant
C’est en étudiant les coraux mous et les gorgones ahermatypique que j’ai compris cela, malgré son évidence. Partout où je plonge, je regarde comment les Gorgones et coraux mous poussent. De là, je reconnais exactement le genre de courant qui baigne ce site. Je sais si il y a un danger, comment disposer une ferme, si même les gorgones ne peuvent résister, c’est qu’il faut se méfier.
En même temps les polypes de coraux mous et gorgones tournent toujours le dos au courant. On imagine le polype de corail comme une fleur carnivore, qui se positionne fasse à la source de nourriture et attrape tout ce qui se pose sur ces tentacules. Et bien pas du tout. Il faut imaginer cette fleur en plein mistral. Car c’est à ça que ressemble un site un peu exposé au courant. Et ce n’est que lorsque le courant fait rage que certains polypes s’ouvrent. En fait, ils sont emportés dans le courant, et c’est plus le dessous des tentacules qui capturent la nourriture, ou créent cette turbulence, qui fait ralentir la particule, la fait tournoyer et ralentir devant la bouche, pour que les tentacules puissent l’attraper.
Adaptations à l’aquarium récifal
Ce qu’il faut retenir de ces petites idées c’est que :
- Il n’y a jamais assez de courant dans les aquariums récifaux.
- Il faut nourrir régulièrement ses coraux, même les SPS.
- Il ne faut pas que les coraux soient face au courant, mais plutôt de dos, ou le coupe.
- La colonie et le polype lui même sont dessinés pour perturber ce courant et en extraire les particules nutritives.
- Il faut placer les coraux solitaires, LPS, ayant besoin de nourriture à l’endroit sur le fond, ou toutes les particules tombent.
En espérant que ces petits tuyaux vous aident à placer vos coraux, et organiser votre courant pour optimiser la santé de vos animaux.